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HUMEURS DES CHAPRAIS
25 novembre 2017

L'évasion de M. Paul Bonhomme est passée par les Chaprais.....

A la recherche du Café De Lyon, alors situé au 11 rue de Belfort, M. Jean-Pierre Bonhomme est entré en contact avec nous. Il nous livre ce témoignage précieux concernant l'évasion de son père qui passait par ce café. Qu'il en soit vivement remercié!

Paul Bonhomme, né le 18 juillet 1914 à Feurs dans la Loire, fut mobilisé le 29 août 1939. Fait prisonnier à Loos le 29 mai 1940, il fut dirigé sur le camp de prisonniers de guerre de Lückenwalde, situé à 60 kms au Sud de Berlin. Camp réservé aux soldats et aux sous-officiers.

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Paul BONHOMME

Matricule 36476

LOCKENWALDE - STALAG III A

10 MAI 1940/24 DECEMBRE 1942

Il s’évada le 16 décembre 1941 et retrouva sa femme sur le quai de la gare de Lyon Perrache à minuit, le 24 décembre, nuit de Noël.

Son périple d’évasion le fit passer par Thionville, Nancy, Besançon. C’est dans cette dernière ville qu’il prit contact avec un passeur qui lui fit franchir la ligne de démarcation dans la nuit du 23 au 24 décembre 1941.

En 1980 Paul a écrit, sur un cahier à spirale, son périple : guerre, captivité et évasion. En 88 pages il a relaté cette difficile histoire. Voici l’extrait de son passage de la ligne démarcation.

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EN ZONE OCCUPEE

Le lundi matin à 6h nous prenons un car pour Briey. Tout va bien, il fait nuit et le car est plein.

Arrivé à Briey nous changeons de car et je me retrouve debout vers le fond du car. Le jour se lève et nous pouvons distinguer le visage des passagers. Soudain j'aperçois, à l'avant du car, un stéphanois, Lucas, qui jouait au basket aux Coquelicots à Saint-Etienne et que je connaissais bien. Nous nous étions déjà rencontrés, étant prisonniers sur les routes de Belgique. Sachant qu'il était aussi prisonnier j'en déduis qu'il s'évade. J'enlève mon chapeau et je vois le visage de Lucas qui s'épanouit. Je lui fais signe que nous sommes 4, il me répond qu'ils sont 3. Nous sommes donc 7 évadés dans le car. A l'arrivée à Nancy, Lucas me fait signe qu'il faut descendre. Nous nous retrouvons sur le trottoir. Il m'explique qu'il n'était pas prudent de rester dans le car jusqu'au centre de Nancy car il y a souvent des contrôles de police. Je lui dis que nous sommes parfaitement en règle. Il me demande si nous avons des tuyaux à Nancy, puis plus loin pour passer la ligne de démarcation à Besançon. Je lui dis que pour Nancy tout va bien, mais à Besançon nous n'avons rien.

Il me dit :

- Tu vas au café de Lyon, tu demandes Mlle Germaine et à elle tu demandes Mr Louis. C'est le chef des passeurs.

Je le remercie et nous nous séparons tous les 7 en nous souhaitant bonne chance.

…/…

A Thionville on nous avait donné l'adresse d'un bijoutier à Nancy qui devait nous recevoir et au besoin nous loger. Nous nous rendons à cette adresse. Nous sommes reçus par Mlle Lucienne, la fiancée du bijoutier qui a été arrêté quelques jours avant comme Juif. Elle nous demande de passer la journée dans Nancy et de revenir le soir à 19h30. Elle ferme son magasin à 19h et nous dit de venir au 2° étage qu'elle nous offrira à souper et nous logera. 

Nous sommes allés voir en gare de Nancy les trains pour Besançon et le lendemain matin nous allons prendre tranquillement notre train.

Nous arrivons à Besançon vers midi et nous recherchons le café de Lyon.

cafe de lyon 11 rue de belfort

 

 

C'est un grand café où les soldats et officiers Allemands sont nombreux. La serveuse nous demande ce que nous voulons boire et après lui avoir commandé des bières je lui dis que nous voudrions voir Mlle Germaine :

-         C'est moi, me dit-elle.

Je lui ajoute que nous voudrions voir Mr Louis.

-         Ah ! Vous voulez voir les passeurs ?

-         Soyez prudente, lui dis-je, vous allez nous faire arrêter. Nous venons de Berlin et si près du but ce serait dommage.

-         Pensez-vous, me dit-elle, ça ne risque rien, ils ne comprennent rien. Je vous appelle Mr Louis.

Et nous voyons arriver un grand gaillard d'environ 30 ans qui nous dit être du 2° bureau :

-         Vous allez prendre le train pour la direction de Mouchard. Vous descendez à la gare de Liesle et vous nous attendez sur le quai de la gare. Donc à ce soir à 20h à Liesle.

Et il nous quitte.

Nous visitons Besançon et le soir vers 17h nous prenons le train en direction de Mouchard. Gare de Liesle nous descendons. C'est une petite gare comme Saint-Jodard.

Nous sommes un peu étonnés car le quai est noir de monde qui, comme nous, attend sur le quai après le départ du train.

Louis arrive avec 5 ou 6 jeunes. Ils ramassent nos billets qu'ils vont porter au chef de gare. Louis nous rassemble, nous sommes environ 80. Il y a des prisonniers évadés, des Juifs, des Alsaciens, des Lorrains, des femmes, des enfants. Louis demande que viennent en tête avec lui ceux qui sont décidés à se battre pour passer la ligne de démarcation. Nous nous retrouvons une dizaine avec lui. Le reste de la troupe suit à une cinquantaine de mètres derrière, encadré par les 5 ou 6 jeunes qui sont arrivés avec Louis.

Il est environ 9h et nous sortons de la gare de Liesle. 

EN ZONE LIBRE

Nous marchons en silence dans la nuit guidé par Louis, à travers champs et bois. Après deux heures de marche environ, Louis allume une cigarette et me trouvant à côté de lui je lui demande si nous avons franchi la ligne de démarcation, il me dit :

-         Vous voyez la lumière sur notre gauche, c'est le poste de garde des Allemands, vous êtes en zone libre, mais ne le dîtes pas tout de suite car les Allemands pourraient nous entendre dans la nuit.

Et nous arrivons au village d’Ounans. C'est un petit village comme Salvizinet. Il y a deux cafés qui sont de suite assaillis par toute la troupe et vidés de leur contenu, car tout le monde veut arroser la réussite.

Il y a dans le village un poste de chantiers de jeunesse avec une grande pièce où sont installés une trentaine de lits et ceux qui le veulent, peuvent se reposer en attendant le jour.

Le lendemain matin j'adresse à mon beau-père un télégramme :

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Nous prenons un train pour Lons le Saulnier et nous précipitons sur les horaires des trains car nous sommes le 24 décembre et nous voudrions bien passer la nuit de Noël chez nous.

Un train nous amène à Lyon à 24h, minuit la nuit de Noël.

 

Je téléphone au garage Jourlin (tenu par le beau-père de Paul) :

-         Allo! Bonjour mademoiselle, Monsieur Léon Jourlin est-il là ?

-         Il est parti ce matin car son gendre s'est évadé d'Allemagne et il ne travaille pas aujourd'hui.

En effet ma Belle-Mère, recevant ce télégramme rue des remparts, s'était rendue au garage de suite. Très dignement mon Beau-Père s'était levé à son bureau et avait dit :

-         Mon gendre vient de s'évader. Je ne travaille pas aujourd'hui. Au revoir Messieurs Dames.

Au téléphone donc, je dis à la dactylo :

-         Je suis Paul Bonhomme son gendre. Voulez-vous lui dire que j’arrive à Lyon ce soir à minuit, gare de Perrache, il faut qu'il se débrouille pour venir me chercher en voiture de façon à pouvoir réveillonner à la maison ce soir.

-         D'accord on va le faire rechercher et faire la commission. 

RETROUVAILLES 

Nous prenons notre omnibus à Lons le Saulnier qui nous amène à Lyon à minuit.

Beaucoup de monde dans le train.

A l'arrivée à Lyon, j'aperçois de suite mon Beau-Père et tombe dans ses bras.

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Le beau-père de Paul en 1941

"-Papa!

-Paul!".

Suzanne surveillait le train un peu plus loin sur le quai, elle ne me voit pas, mais entend nos exclamations et se précipite pour nous rejoindre.

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Suzanne en 1941

.../...

Enfin chez nous.

Avis aux lecteurs :

Si vous, lecteur de ce souvenir, vous possédez des informations sur le Passeur Monsieur Louis et/ou sur la Serveuse Mademoiselle Germaine du Café de Lyon, aujourd’hui disparu, mais qui était situé au numéro 11 de la rue de Belfort, à l’angle avec la rue de l’Industrie,  je vous serai reconnaissant de me les faire connaitre pour compléter l’histoire de mon Père.

 

café de lyon rue de belfort

A gauche, au coin de la rue de l'Industrie, publicité pour le Café de Lyon

Je vous en remercie par avance. 

Jean-Pierre Bonhomme

 jpb.bonhomme@orange.fr 

Avignon, le 12 octobre 2017.

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